ll me déteste. Je peux le sentir même s'il ne le dit pas. Je peux le sentir dans la rudesse de ses coups, la violence de ses mots et la douleur sur ma peau. Il me déteste, il m'effraie. Et je tremble au son de ses pas. Alors que sa voix me tétanise complètement, je n'ose pas lui faire face, même si je suis incapable de le voir réellement. Je sais qu'il est là. Comme le pire des cauchemars. Mais on n'échappe pas à son père, simplement en se réveillant, en s'extirpant du lit au milieu de la nuit. « Tu as encore utilisé tes pouvoirs, Kai. Alors que je te l’avais strictement interdit... Tu cherches vraiment à passer pour un monstre ? Si tu veux un jour sortir de cette maison, tu vas devoir apprendre à paraître normal...» Mais qu'est-ce qui est normal ? Faut-il lui ressembler ? Au fond, je n'ai jamais connu personne d'autre que lui et les nourrices qui veillent sur moi jour et nuit. Je ne connais rien de cette normalité avec laquelle il tente de me façonner. « Tu connais la punition. Alors tourne-toi ! » Obéissant, je lui offre mon dos, sachant pertinemment ce qui m'attends lorsque j'aurais soulevé mon tee-shirt. A sept ans, je n'ai rien connu d'autre que sa haine et son dégoût. Je suis un monstre et il se plaît si souvent à me le rappeler que je serais bien incapable de l'oublier. Et c'est pour cette raison qu'il me punie et que la douleur brûle ma peau sous ses coups. Malgré moi, les cris qui s'échappent de mes lèvres se font de plus en plus stridents et insupportables. « N'utilise pas tes pouvoirs… Arrête immédiatement… » Les larmes inondent mon visage, alors que je sanglote, incapable de contenir la portée de mes cris et la souffrance qu'ils engendrent. « Epargnez-le, ce n'est qu'un enfant ! Je vous en prie, Monsieur... ne lui faites plus de mal... Il est si jeune... » Maddie et sa voix qui me berce la nuit. Maddie et son parfum qui apaise mes angoisses. Elle aurait pu être une mère pour moi. Si seulement, elle n’avait pas été la nourrice payée par mon père pour s'occuper de moi à sa place. Et alors qu'elle s'interpose entre mon père et moi, je peux sentir ses bras familiers autour de mon corps tremblant. Doucement, ses doigts caressent mes joues et mes cris se calment peu à peu. Parce que je ne veux pas lui faire de mal. « Maddie...» Ma voix se perd dans un murmure, mais je sais qu’elle m’a entendu parce que son bras se fait plus protecteur autour de mes épaules. A cet instant, je pourrais croire que tout est fini, qu’elle peut me sauver de la haine de mon père et m’emmener loin de lui. Mais soudain, l’ombre de mon paternel vient agripper les cheveux de Maddie, alors qu’un cri de surprise brise le silence. Tout est trop rapide pour que je puisse discerner les mouvements grâce à mon écholocation. Alors je me raidis et chaque nouveau son me terrifie : le crissement de ses talons qui raclent sur le parquet, ses supplications alors qu’il la menace rongé par la colère, ses cris lorsqu’il la jette violemment sur le sol.
Puis je n’entends plus rien. Un silence qui m’angoisse et m’absorbe. Et au moment où je perçois la silhouette de mon père qui se penche sur le corps recroquevillé de ma nourrice, je sais que je ne peux pas le laisser faire, je ne peux plus me taire. Parce que toute cette peur accumulée explose en moi et un cri puissant déchire ma gorge avec une tellement violence que la douleur en devient insupportable. Les cris de mon père et ceux de Maddie se mêlent au mien, comme de lointains échos de l’horreur qui se déroule. Mais je ne peux plus m’arrêter, je suis incapable de me contrôler.
A bout de force, je m’écroule sur le sol, laissant la souffrance m’envelopper. Si seulement, elle pouvait m’emporter loin de cette maison, loin de tout ce que j’ai toujours connu.

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